Lactalis : un pavé jeté dans «La Mare du Canard»

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Quand le Canard Enchaîné épingle un ex-numéro deux de la Police Judiciaire et de la DGSI [ Le service français de renseignement intérieur, NDLR] haut fonctionnaire qui officie à présent en Mayenne comme Préfet. Dans un article publié le 3 janvier 2018, le Canard donne des coups de bec à Frédéric Veaux, avec en toile de fond Lactalis et cette affaire de salmonelle qui débouche sur une enquête préliminaire pour « blessures involontaires », « mise en danger de la vie d’autrui», « tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine » et « inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit » préjudiciable à la santé.


Par Thomas H.

Un pavé jeté dans La Mare aux Canards, de la Mayenne. Coin-coin! Et des coups de pattes palmées au Préfet de la Mayenne. « J’ai réagi parce qu’en titrant Lait infantile : les contrôleurs étaient aveugles, cela voudrait dire, soit que les fonctionnaires de la Direction départementale de cohésion sociale et de la protection de la population (DDCSPP) sont incompétents, ce qui n’est pas le cas, soit qu’ils sont complaisants, ce qui est faux! Et je ne pouvais pas laisser passer cela ! » réagit Frédéric Veaux qui poursuit « d’ailleurs l’article du Canard Enchaîné n’est absolument pas documenté… »

En Page 3, on peut lire que « Lactalis a gardé sous le coude des tests positifs à la salmonelle. La bactérie est toujours dans l’usine » de Craon, écrit en sous-titre l’hebdo satirique qui développe l’hypothèse que « le numéro 1 mondial des produits laitiers, n’ayant pas l’obligation de communiquer sur ses contrôles internes, s’est bien gardé d’ébruiter l’affaire…[…] ». Faux a simplement démenti par la suite le groupe laitier.

La façade la Préfecture de la Mayenne à Laval

«blanc comme lait»

Mais l’hebdo satirique de continuer : « Lorsque le premier décembre, la ministre de la Santé sonne le tocsin, à la suite de la découverte d’un nombre inhabituel de salmonelles chez des nourrissons ayant consommé du lait Lactalis, les pouvoirs publics ignorent qu’à deux reprises des salmonelles ont été repérées dans les installations. […] au mois d’août […] et en novembre, deux mois après le compte rendu rassurant des vétérinaires de la Mayenne. [De la DDCSPP, la Direction départementale de cohésion sociale et de la protection de la population, NDLR]  » relate le Canard Enchaîné.

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Frédéric Veaux, le représentant de l’État en Mayenne et patron de la DDCSPP dans le département

Pour le journal sans publicité du mercredi, « L’usine était infectée depuis février au moins » s’insurge un expert de l’agroalimentaire cité dans l’article ; et quand les inspecteurs vétérinaires de la DDCSPP de la Mayenne interviennent en septembre 2017 dans l’usine de Craon « le site était blanc comme lait, ce qu’ils ont pris soins de consigner dans leur rapport. » De la « Poudre aux yeux » commente l’hebdo satirique pour expliquer selon lui l’absence de vision de la part des fonctionnaires. Pour le Préfet, les contrôleurs qui sont intervenus n’étaient pas missionnés cette fois-là pour ce genre de recherche. C’est pour cela qu’il n’ont pas trouvé de salmonelles. Tout simplement.

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Pour évoquer le rôle du représentant de l’État en Mayenne, le journal satirique écrit pour parler de Frédéric Veaux qu’il est : « une crème de préfet ». Que doit-on en déduire ? « C’est le ton du Canard Enchaîné, commente simplement Frédéric Veaux, ils veulent faire un bon jeu de mot… Sans doute ! »

Pourquoi s’interroge, en fait le journal, le préfet de la Mayenne a-t-il mis « vingt jours à rendre public un arrêté préfectoral qu’il signe le 9 décembre ordonnant une fermeture partielle de l’usine ; la fabrication des laits pour nourrissons étant bloquée. Mais…pas celle des céréales.» peut-on lire dans l’article.

Concernant l’activité céréales, c’est faux a indiqué tout bonnement une porte-parole du groupe Lactalis à l’AFP : « Tout ce qui est fabriqué dans l’usine de Craon est arrêté depuis le 8 décembre  ». Et les produits à base de céréales sont fabriqués maintenant dans d’autres usines du groupe.

« Une crème de préfet »

Si l’on ouvre les trois pages de l’arrêté préfectoral, à l’article 1 on peut lire : «L’activité de production de poudres de lait infantile de l’entreprise Celia sise à Craon est arrêtée ; la mesure s’applique sur les tours de séchage n°1 et n°2 ainsi que les ateliers de conditionnement.» A la décharge du Canard Enchaîné, il n’est pas fait mention du mot céréales.

Pour Frédéric Veaux : « Il ne s’agit pas d’un arrêté préfectoral de « fermeture partielle », d’ailleurs ce mot de « partielle » ne figure pas dans l’arrêté que j’ai signé ; tout l’atelier de conditionnement est concerné. Et le conditionnement, c’est à la fois le lait et les céréales… je vise bien tous les ateliers de conditionnement (…) excepté l’unité de fabrication fromagère de Célia, 200 personnes qui travaillent à fabriquer du Chaussées aux Moines ; c’est peut-être pour cela que certaines personnes y voient une fermeture partielle…Mais Lactalis a bien confirmé que les ateliers de conditionnement étaient à l’arrêt (…)»

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Un arrêté préfectoral peut être rendu public, mais il n’y aurait pas d’obligation selon le représentant de l’État. Et celui-ci l’aurait été le Vendredi 29 décembre «en catimini » pour reprendre une expression entendue et après un «forcing» effectué auprès des services de la Préfecture de la Mayenne et de l’intéressé. Frédéric Veaux dément « Il n’y avait rien de secret dans cet arrêté. Ce n’est pas de la mauvaise volonté ou de l’inertie, simplement cet arrêté ne s’adressait qu’à Lactalis, et personne n’a jugé bon d’en demander communication ; et à partir du moment où un avocat et un journaliste par exemple ont souhaité en avoir connaissance, plutôt que de les leur remettre en direct, j’ai choisi de les publier sur le recueil des actes administratifs sur internet, [le 29 décembre, NDLR]. Mais je n’étais pas contraint à le rendre public. »

Après l’annonce des premiers rappels de lots de laits infantiles, le groupe Lactalis avait reconnu qu’une « contamination dispersée s’est installée dans [l’]usine de Craon suite à des travaux réalisés dans le courant du premier semestre 2017 ».

« Rien de secret dans l’arrêté»

La production du site mayennais avait été arrêtée le 8 décembre. Et un arrêté préfectoral, pris donc le 9 décembre, conditionnait le redémarrage de l’activité craonnaise à la mise en place de mesures correctives stipulées dans l’article 2 de l’arrêté préfectoral : comme « la présentation d’un plan d’action détaillant les interventions prévues en terme de démontage des installations et équipements et réalisation d’un nettoyage et d’une désinfection approfondis ; la justification de la réalisation du plan d’action ; l’obtention de résultats satisfaisants à des analyses de recherche de salmonelle : sur l’ensemble des équipements et surfaces, selon un échantillonnage communiqué et validé par les services vétérinaires ; par un laboratoire sous accréditation agréé par le ministère en charge de l’agriculture. Les prélèvements devront être effectués sous le contrôle d’un agent officiel ou mandaté à cet effet.» C’est du sérieux, même si plusieurs centaines de salariés sont au chômage technique.

L’usine en Mayenne, au pays de l’élevage laitier, devrait redémarrer, si tout va bien, pas avant février de cette année.